Résumé : la possibilité de ne pas obéir aux actes des gouvernants au motif de leur prétendu caractère liberticide (et / ou illégitime) soulève de redoutables problèmes. Comme l’écrit Éric DESMONS, un spécialiste éminent du sujet, « le droit de résistance révèle l’antinomie entre deux niveaux de droit et revient à opposer sa propre interprétation du droit à celle, supposée dévoyée, de l’autorité». D’où son caractère éminemment aporétique : constitue, en effet, une aporie juridique le projet d’inscrire le droit de résistance à la loi injuste dans le droit positif, d’établir l’encadrement juridique d’un droit de ne pas respecter le droit, de reconnaître sa justiciabilité, de trouver dans le droit un titre pour ne pas s’y soumettre. La perplexité grandit lorsque l’interrogation surgit dans une société démocratique fondée sur l’État de droit où l’autorité agit a priori au nom du peuple. Pourtant, à considérer la récurrence des actes s’en réclamant – depuis l’exemple emblématique d’Antigone, estimé souvent comme fondateur – jusqu’aux destructions de plantation menées par les militants anti-OGM et aux actions en vue d’alerter l’opinion publique sur la gravité de la crise climatique, ou encore aux actions de sabotage initiées par Les Soulèvements de la Terre, le thème de la désobéissance à la loi injuste – i.e. de la résistance à l’oppression –, lequel doit être envisagé de façon compréhensive, n’impliquant pas forcément une loi au sens technique du terme mais visant toute décision politique jugée illégitime, ont de beaux jours derrière eux et devant eux, ne serait-ce du fait qu’ils reflètent la contradiction entre incomplétude du droit et infinitude des exigences de la justice.

La conférence comportera deux temps. Assez bref, le premier temps permettra de rappeler la typologie classique des actes de résistance : objection de conscience, désobéissance civile, résistance utilisant le recours à la violence (tyrannicide, rébellion, révolution) ainsi que la récurrence dans l’histoire des actes de désobéissance. Bien plus substantiel, le second temps abordera une autre récurrence : celle de la théorisation problématique de la désobéissance à la loi injuste. Seront analysées les approches : du christianisme, du Reditte, issu du dialogue entre Jésus et les Pharisiens à Jean-Paul II, en passant par Paul de Tarse, Augustin d’Hippone, Thomas d’Aquin, la pensée politique protestante post Saint Barthélemy (De Bèze, Hotman, Jurieu, Althusius) et Bossuet ; des philosophes des XVIIème et XVIIIème siècles (Pufendorf, Hobbes, Locke, Rousseau, Barbeyrac, Burlamaqui, Condorcet, Kant) ; des théoriciens du libéralisme politique du XIXème siècle (Benjamin Constant, Tocqueville, Stuart Mill) ; des théoriciens de la résistance à l’oppression au XXème siècle (Tolstoï, Gandhi, Arendt, Rawls, Dworkin, Todorov, Balibar).